I. BIOGRAPHIE DE ROLAND DORGELÈS
Laurent
Lécavalé, connu dans le monde littéraire sous le nom de Roland Dorgelès, naquit
à Amiens, dans la région de la Picardie, le 15 juin 1885, et décéda à Paris le
18 mars 1973 à l’âge de 87 ans. Avant tout
journaliste et écrivain français de profession, il fut également membre
de l'Académie Goncourt de 1929 à 1973.
Sa
relation avec la Guerre
Quoique
reconnu inapte au service militaire, Dorgelès, alors rédacteur au journal L’Homme libre, décide toutefois de s’engager
volontairement dans l’armée, ce qu’il fait avec l’appui de son patron Georges
Clémenceau, dit « Le Tigre », futur Président du Conseil dans la
période allant de 1917 à 1920. On le destine tout d’abord au 74e
régiment d’infanterie de ligne de Rouen en août 1914. Il participe aux combats
qui ont eu lieu en Argonne ainsi que dans le nord de Reims, avant de se faire
transférer au 39e régiment d’infanterie de ligne. C’est alors qu’il
se bat dans les bois du Luxembourg (février 1915), dans la deuxième bataille
d’Artois (juin 1915) et il est blessé lors de la prise de Neuville-St-Vaast.
Ensuite, il est nommé caporal et il reçoit la Croix de Guerre (sept. 1915),
puis il suit des cours d’aviation en Côte d’Or en 1916, mais à la suite d’un
accident aérien il se dédie plutôt à la fonction d’Inspecteur d’Aviation, qu’il
exerce jusqu’à la fin de la guerre.
Son
expérience dans les tranchées et dans l’armée lui sert d’inspiration directe
pour la rédaction de son livre Les
Croix de Bois, qu’il publie en 1919 et qui sera son plus grand chef d’œuvre.
Elle lui vaudra l’octroi du Prix Fémina cette même année, et sera également
proposée au concours du Prix Goncourt. Cependant elle y sera battue par À l’ombre des jeunes filles en fleurs de
Marcel Proust, dans un vote serré de quatre voies contre six. L’Encyclopédie
Universalis souligne spécialement que cette œuvre « décrit sans recherche
particulière d'écriture, la vie quotidienne des poilus pendant la Grande Guerre
et se rattache au courant de littérature pacifiste de l'époque ».
A
la sortie de la guerre en 1917, Dorgelès intègre dans le cadre de sa carrière
le journal Canard Enchainé, où il
publiera un roman satirique intitulé La
Machine. D’autres articles similaires paraîtront dans ce même journal entre
1917 et 1920, pour les moins importants, parfois parus sous le pseudonyme
Roland Catenoy. Députés, force de police et profiteurs de guerre sont les sujets
de ses principaux articles. Arrive alors la parution de son roman intitulé Les Croix de Bois en 1919. Considéré tel
que son chef d’œuvre, il romance à travers le quotidien des poilus son
expérience de la guerre qui sera pour lui sa plus grande source de gloire et de
célébrité. Il est intéressant de souligner que cet ouvrage a été adapté au
cinéma en 1931 et vient d’être restauré en 2014.
En
effet, le prix Femina lui sera remis au dépend du prix Goncourt qui lui
échappera de peu. L’année 1923 sera marquée par son premier mariage avec
l’artiste lyrique Hania Routchine (1885-1959), originaire de Russie. Six ans
plus tard, en 1929, il aura l’honneur d’accéder à l’académie Goncourt succédant
ainsi à Georges Courteline. Il serait à l’origine de l’expression «drôle de
guerre», période pendant laquelle il se refugiera à Cassis jusqu’en 1940. Suite
au décès de sa première épouse, il se mariera une seconde fois, en 1960, avec
Madeleine Moisson (1909-1996). Il accédera en 1954 à la tête de l’académie
Goncourt, après la mort de Colette, et s’en occupera jusqu’à la fin de sa vie en
mars 1973.
II. RÉSUMÉ DE L’ŒUVRE
Ce
livre est le chef-d’œuvre de Dorgelès et demeure le témoignage vivant de
l’expérience endurée par l’auteur durant son séjour dans les tranchées. On y
suit le fil de la vie d’une dizaine de personnages, parmi lesquels ressortent
Jacques Larcher (narrateur et protagoniste), Gilbert Demachy (jeune soldat, autrefois
étudiant, gentil et sympathique), le caporal Bréval (personne tempéramentale
mais dans le fond brave et attentionnée), le cuisinier Fouillard et Bouffioux
(sujet simple d’esprit, peureux, voulant à tout prix fuir le combat en trouvant
toujours des travaux pour lesquels ils n’a pas la moindre aptitude. En fin,
ceci crée tout de même des situations comiques).
Au
fil du roman, on prend conscience des terribles conditions de vie des soldats,
tant et davantage au front qu’à l’arrière, la peur de l’ennemi et de la mort,
mais aussi les relations d’amitié et la camaraderie qui unit les poilus, ce qui
aux yeux de lecteurs contemporains le rend plus sympathique. Cet esprit de
convivialité est cadré dans un climat de rejet de la violence et de la
sauvagerie du combat. Un ensemble de récits, des amas d’anecdotes sur cette Grande
Guerre nous permettent de comprendre clairement quels sont les traumatismes qui
ont laissé une empreinte indélébile sur les combattants.
On
suivra nos personnages tant au front qu’à l’arrière, dans la ferme des Monpoix
ainsi que dans des villages, dans la réflexion face au sort, mais aussi dans la
course désespérée du protagoniste dans le no man’s land, les nuits glaciales
passées près des cadavres, puis la mort de ses compagnons dont la fin tragique
de Sulphart …
III. ANALYSE CRITIQUE
L’ouvrage
de Dorgelès constitue un témoignage romancé. L’auteur ne se contente pas d’y
narrer une partie de sa vie vécue au front, il met l’emphase sur deux aspects
essentiels du séjour de tout soldat français dans les tranchées. Il évoque
avant tout cet aspect destructif de la guerre des tranchées, qu’il détaille
minutieusement lors de la narration de certains passages particulièrement saignants
et violents, notamment le chapitre XI intitulé Victoire qui relate le séjour de l’auteur dans le no man’s land
pendant dix jours. On retrouve ainsi une analogie avec le roman intitulé À l’Ouest, rien de nouveau de l’écrivain
allemand Erich-Maria Remarque, quant à la narration sans tabou ni pudeur des
effroyables conditions de vie des poilus dans les tranchées. Tout comme
Remarque, qui raconte en détail les blessures de ses camarades, Dorgelès, lui
aussi, consacre tout un passage à la description de l’agonie ultime d’un
soldat.
Moyennant
un contraste choquant par rapport à des épisodes plus joviaux, on constate que
l’auteur nous fait assister à la déshumanisation totale du soldat, qui n’est
plus l’Homme mais une simple marionnette dans le conflit, ne pesant pas plus
qu’un atome de poussière pour ceux qui l’y ont entraîné, laissant place à
l’amertume et à une agonie à la fois individuelle, mais aussi collective, et
une blessure profondément intérieure. Comme le dit Dorgelès dans le roman, lors
des étapes les plus déprimantes de la guerre, les personnages se rappellent
avec de la nostalgie du fait qu’avec fierté ils pouvaient dire qu’un jour, ils
avaient été maîtres, maîtres d’eux-mêmes.
En
outre, DORGELÈS essaye de rendre son récit plus agréable, en ajoutant quelques étapes
plus positives de son séjour dans les tranchées : moments mémorables
passés entre eux à l’arrière, notamment dans la ferme des Monpoix, les nombreux
dîners et réunions qui s’y sont tenus, avec l’interdiction de ramener à table
la guerre sous peine d’une amende de deux sous, les conversations avec
l’éternel « Après la guerre, je … » échangé entre compères. On évoque
aussi l’esprit de convivialité qui règne dans un climat de rejet pour la
violence et la sauvagerie, bien qu’il y ait parfois des disputes qui créent une
ligne de distance entre les personnages. Mais, en vertu qu’il s’agit d’un roman
historique de guerre, il doit absolument faire allusion à des éléments
essentiels de la brutalité du combat, tels que son départ sur le front et sa
course désespérée sur le no man’s land
et la disparition de certains camarades de sa division.
Il
est important de noter que presque aucun lieu ni date précise n’est mentionné,
à l’exception de la Bataille de la Marne, de certains paysages et de quelques
détails qui permettent au lecteur de se situer au début de l’année 1915. Les
soldats souffrent au front mais « à l’arrière » aussi du fait de
l’indifférence et l’imperméabilité des civils devant la souffrance d’autrui,
comme nous pouvons le voir dans un dialogue entre Sulphart et Vieublé dans le
chapitre XV : « Mais à Paname, ils ne savent plus que c’est la
guerre. Personne y pense (…) pour eux autres, c’est comme si la guerre était à
Madagascar ou chez les Chinois ». Effectivement, certains civils se
lassent des histoires de guerre qui leur importent peu. Le dernier chapitre est
consacré à ce contraste de mentalités entre citoyens et soldats. Chaque
chapitre constitue un épisode distinctif.
Nous
avons aimé ce livre car il donne non seulement une vision complète de la Grande
Guerre, mais aussi une vision plus gaie et « amusante » de celle-ci. En
effet, ce livre facile à lire emploie un vocabulaire courant voire parfois
familier, celui des poilus, ce qui nous parle d’idiosyncrasie en nous apportant
une touche d’humour dans le sujet embarrassant qu’est la guerre, sujet sur
lequel Dorgelès disait :
« Je
hais la guerre, mais j’aime ceux qui l’ont faite »
IV. RÉALISME DE L’ŒUVRE
Dans le roman intitulé Les Croix de Bois Roland Dorgelès
présente la guerre au travers de l’œil des soldats, dont il faisait lui-même
partie, étant engagé volontaire. En effet, il retranscrit l’atmosphère telle
qu’elle était en France tout en faisant part de son expérience personnelle. On
retrouve ces éléments dans d’autres romans dont il est l’auteur, tel que Le Cabaret de la belle femme (1919).
Il dépeint la vie quotidienne des
soldats au front et dans les tranchées, révélant des conditions de vie
terribles et insoutenables ainsi que la violence de la guerre. On remarque que
Dorgelès porte une attention particulière aux sensations et impressions des
soldats. Les cinq sens des soldats seront perpétuellement décrits au fil du
roman. Ainsi, le bruit occupe une place primordiale dans son œuvre : les coups
de fusil, de canon, la cacophonie de la bataille rythment la vie du soldat. Les
soldats piétinent sans cesse des cadavres en état de décomposition, dont
l’odeur nauséabonde s’ajoute au manque d’hygiène. La vue du soldat n’est, quant
à elle, pas non plus épargnée. En effet, une semi-obscurité règne au front. En
outre, les soldats assistent constamment au « spectacle de la mort »,
devant lequel ils ne peuvent s’attendrir car l’ennemi est en approche bien
qu’on ne le distingue que peu. De surcroît on notera que le froid qui saisit
les soldats s’impose à eux comme une souffrance. La description détaillée que
Dorgelès offre à son lecteur vise à représenter le plus fidèlement possible la
réalité telle qu'elle est, de sorte que son œuvre soit un témoignage vraiment
empreint de ce réalisme qui lui est caractéristique.
La description des
tranchées laisse place à une déshumanisation. Dorgelès décrit sans tabou ni
pudeur les conditions de vie insoutenables des soldats. En effet, on peut
relever de nombreuses descriptions de la boue, et du cruel manque d'hygiène
auquel les soldats sont soumis. Contraints de vivre dans la crasse, les soldats
sont renvoyés à l’état d’animalité. Dorgelès souhaite retranscrire avec
exactitude la guerre, sans la farder ni l'embellir ; nous touchons donc
bien une fois de plus à une caractéristique du réalisme.
Bien que le roman de
Dorgelès paraisse être un parangon du réalisme, il est une prise de position à
propos de la guerre. Dorgelès dénonce explicitement une guerre sans espoir,
dont les combats sont la source de milliers de morts inutiles. Les soldats,
acteurs de cette « boucherie héroïque », expression
« oxymorique » que l'on doit à Voltaire, sont utilisés tels de la
« chair à canon » sur ce champ de bataille futile. Il s'agit ici
d'une délation de l'absurdité de la guerre. Cet élément relativise la notion de
réalisme précédemment analysée puisqu'il témoigne d'une objectivité partielle,
là où les écrivains réalistes recherchent une reproduction parfaite de la
réalité.
V. ILLUSTRATION D’UN EXTRAIT DE L’ŒUVRE
On
a voulu trouver deux extraits différents dans le roman de Dorgelès qui nous
aient particulièrement marqués, et les associer à des photographies qui
puissent représenter les deux facettes qui sont décrites par l’auteur dans son
roman.
Chapitre
VIII : Le Mont Calvaire
« À grands coups sourds, têtue, l’artillerie s’acharnait sur le
Calvaire, tout en haut du Calvaire, là où auraient dû se dresser les trois
croix. Entre deux explosions, on n’entendait rien, que parfois un pas d’homme
trébuchant sur les cailloux, ou des coups de feu égarés, lubie de sentinelle.
À la clarté dansante de la bougie qui se mourait, je regardais les rondins
trapus où pendaient nos équipements et nos bidons. Les musettes gonflées
couvraient le mur, des baïonnettes pour patères. Sous la tête, nos sacs ;
dans un coin, les fusils… Et l’on porte tout cela, des nuits, des jours, des
lieues… On porte sa maison, on porte sa cuisine, et jusqu’à son linceul :
la couverture brune où, bien enroulé, je vais dormir. »
Projet
III – La propagande durant la Première Guerre Mondiale
Affiche
1
Description: Dans cette affiche italienne réalisée vers
1915, on retrouve, au premier plan, à gauche, une jeune femme qui occupe la
moitié de l’œuvre. Elle se tient de profil et porte une chemise jaune et une
robe de couleur rouge. Elle tient entre ses bras un drapeau avec le blason du
Royaume d’Italie (1861-1946), et un rameau de roses entre ses mains. Sa tête,
ceinte d’une couronne rappelant celle de l’Italia turrita (« avec des tours »,
figure allégorique italienne), est penchée vers le bas, vers les fleurs qu’elle
détient entre ses mains, et vers l’inscription : Italia ! Ogni tuo figlio è pronto a morire per la tua grandezza
(Italie! Chacun de tes fils est prêt à mourir pour ta grandeur). D’autre part,
dans la partie du haut de l’affiche, un tiers de celle-ci est occupé
horizontalement par un corps d’hommes armés (de taille disproportionnée par
rapport à l’Italia turrita), qui sont rassemblés sur un terrain à sol rocheux
et un peu désertique. Cette partie commence à peu près là où la tête de la
femme finit. Toutefois, il est intéressant de noter que les deux autres tiers
du fond de l’image passent d’une clarté pour acquérir progressivement un ton de
plus en plus sombre.
Tétra drachme de Smyrne réalisée au IIème
siècle de notre ère,
avec l’effigie de la déesse phrygienne Cybèle, portant la couronne
tourelée
Le Monument à l’Italie dans la Piazza Italia à Reggio Calabria (Région
de Calabre, sud-ouest de l’Italie)
Contexte
historique: Bien qu’en
principe membre de la Triplice, l’Italie ne participe pas à la première guerre
mondiale lors de son début en juillet 1914, en justifiant qu’aucun de ses
alliés (Allemagne et Autriche) ne se fait attaquer. Toutefois, lorsqu’elle voit
qu’en s’alliant à la Triple-Entente contre les Empire Centraux, elle pourrait
s’approprier des nombreux territoires tels que ceux des provinces du Trentin,
Trieste, Tyrol méridional, l’Istrie ainsi que de la Dalmatie, elle rentre dans
le conflit international le 24 mai 1915 en déclarant la guerre à son ancienne
alliée, l’Autriche-Hongrie, avec laquelle elle gardait des tensions et une
rivalité politique depuis le Congrès de Vienne cent ans plus tôt.
Interprétation: Comme dit précédemment, de par sa tenue et
attributs, la jeune femme de l’affiche serait la représentation matérielle de
l’Italie. Son regard pensif porté vers le bas et la phrase de propagande, ses
yeux à mi-clos et la délicatesse de son tact qu’elle donne au bouquet de fleurs
qu’elle détient dans ses mains, semblent représenter une attitude de fierté et
d’orgueil gardé discrètement face à l’incertaine situation politique de
l’Italie lors de son entrée en guerre, et qui viendrait être rassurée par le
même message.
De plus, on peut déceler que dans sa tenue,
une reconnaissance du sacrifice de chacun de ses fils (Ogni tuo figlio), se trouve le vrai message que cette affiche veut
véhiculer auprès de la population italienne. L’emplacement où se trouvent les
soldats, et le noircissement du fond de l’affiche conformément nous suggèrent
qu’il s’agit d’une falaise ou d’un précipice, donc par extension on peut penser
au danger auquel les soldats s’exposent (la mort) en s’enrôlant dans l’armée et
en contribuant à l’action patriotique.
Par contre, la position des soldats (leur
rangement) et leur vision de la dame nous montre leur grand sens de l’ordre, le
respect, la confiance et le patriotisme. Ils sont d’une taille très petite par
rapport à celle-ci, ce qui est pour nous remémorer la grandeur de la patrie
italienne, et la notion du « chacun de tes fils » (on voit ici à peu
près une vingtaine d’hommes).
Sources:
·
Musée de la Première Guerre Mondiale (http://www.historial.org/Musee-collection/Collection/Collections-thematiques/Les-affiches-de-1914-1918)
Affiche 2
Présentation :
Cette affiche
de propagande argentine intitulée « Empujad todos en la rueda ! » (en
français : «Poussez tous sur la roue! ») est une lithographie parue en
1918. Il s’agit d’une affiche de dimensions 112 x 73cm, dont l’éditeur est le Taller
gráfico de Ricardo Radaelli, à Buenos Aires (Argentine).
Contexte historique :
Durant les derniers mois de
la Grande Guerre, la France lance le quatrième emprunt, dit de la Libération.
Voté le 19 septembre 1918, il fut souscrit avant et après l’armistice (20 octobre
et 24 novembre).
La France ayant pris la décision de financer
l’effort de guerre par des emprunts dits « perpétuels », ils ne
devaient pas être remboursés, mais servir une vente aux souscripteurs, à un
taux fixe avantageux (autour de 5%) au moins tant que l’inflation demeurait
inexistante. Cette décision entreprise par les ministres Ribot et Klotz à
partir de 1917 se révéla dangereux pour l’équilibre financier du pays au sortir
de la guerre. Il s’agissait désormais de combler les déséquilibres financiers
dus à ce premier conflit mondial.
Description :
Le titre
apparaît au sommet de l’affiche, en dessous une image qui constitue la moitié
de l’affiche, la sépare du reste des inscriptions : « Un esfuerzo más
y hemos llegado! (en français : Un effort de plus et nous sommes arrivés!)
Suscríbanse al empréstito francés de la liberación; Banco
francés del Río de la Plata, Reconquista 157, Buenos Aires ; Banco francés e
italiano para la América del Sud, Cangallo 299, Buenos Aires ; Supervielle y
Cía., San Martin 150, Buenos Aires ». L’ensemble recouvre un fond bleu délavé.
L’image
présente au centre neuf hommes poussant les roues d’un canon en synergie
positive. Ils semblent se diriger vers la gauche. L’arrière-plan laisse apparaître
un fond blanc, rayé de bandes rouges dont la source est une boule rougeâtre
symbolisant le soleil situé à droite de l’image. Il s’agit d’une représentation
du ciel qui n’est pas sans rappeler le drapeau japonais.
Interprétation :
Cette affiche éditée par des banques franco-italiennes
établies en Argentine appelle à la souscription à l’emprunt français de la
Libération de 1918. Située sur un des rares espaces habités où la guerre est
absente, l’Argentine, à l’instar de la plupart des autres pays d’Amérique
latine, demeure en retrait au cours de la Première Guerre mondiale. N’ayant, au
contraire des pays belligérants, aucun intérêt direct à défendre sinon la
conservation de ses relations commerciales avec l’ensemble des pays européens,
elle demeura neutre du début du conflit jusqu’à sa fin.
Cette active neutralité qui caractérise les positions gouvernementales de l’époque évolue peu à peu en faveur de l’Entente, se transformant elle-même en bienveillance vis-à-vis de Paris et Londres en janvier 1918, lors de la signature d’un traité commercial favorisant l’approvisionnement des Alliés. On notera que la population argentine est majoritairement pro-alliée. En l’absence d’études significatives sur le sujet, il reste cependant délicat de décrire les contours de l’opinion publique argentine à l’égard de la guerre. Des intellectuels argentins prennent la plume afin d’assurer les Alliés du soutien de l’opinion de leur pays, arguant de la proximité culturelle avec les nations latines. La France fait alors figure de phare démocratique et culturel pour la jeune nation sud-américaine, tandis que l’importante communauté italienne disséminée à Buenos Aires et dans le reste du pays joue un rôle non négligeable dans cette prise de position.
Certains événements soutiennent cette incertitude, nous en avons relevé
un. En effet l’année 1917 marque un bouleversement en Argentine.
L’entrée des États-Unis dans la Première guerre mondiale et la Révolution
bolchévique en Russie sont deux évènements qui ont une énorme répercussion dans
l’Argentine de 1917. Alors qu’une flotte de guerre étasunienne visite Buenos
Aires, son équipage défile dans les rues, acclamé par une foule qui manifeste
en faveur des Alliés. Le pilote Vicente Almandos Almonacid, enrôlé comme
volontaire du côté des alliés, est de retour au pays. Il est accueilli et
honoré comme un authentique héros. La foule prend d’assaut le Club allemand le
12 septembre, détruisant vitres et meubles, puis dirige sa colère contre
l’ambassade d’Allemagne, le siège de la Compagnie Allemande Transatlantique et
le Restaurant Aue’s Keller.
L’annonce des navires argentins coulés par les
Allemands, précipita les députés socialistes a voté l’entrée en guerre; mais le
Président Yrigoyen reste inflexible quant à sa position de neutralité.
Source (historique):
Affiche 3
Présentation de
l’œuvre :
Cette
affiche de propagande allemande, dont le début de l’inscription « So hilft
dein Geld dir kämpfen » peut être assimilé à son titre, fut réalisée par
Emil Kahn (plus connu sous le nom de Lucian Bernhard 1883-1972) en 1917. Il
s’agit d’une lithographie de dimensions 88 x 59 cm.
Contexte
historique :
Depuis
la fin de 1914, la guerre s’avère plus longue que prévue, prenant une tournure
qu’aucun gouvernement n’aurait imaginée. L’année 1917 est tout d’abord marquée
par la Révolution Russe. La Russie, secouée par les Révolutions de Février et
d’Octobre qui débouchent sur une guerre civile, renverse le régime tsariste.
Désormais la Russie s’oriente vers un régime dit « léniniste »,
communiste. Ces événements amènent à la signature, le 3 mars 1918 du traité de
Brest-Litovsk. C’est la fin du conflit pour la Russie. Bien que ce traité
permette à l’Allemagne, et plus généralement aux Empires centraux de concentrer
leurs forces sur un unique front, l’entrée en guerre des États-Unis engendre de
nombreux avantages pour les alliés. En effet, en cette même année, le 6 avril
1917, le Congrès des États-Unis vote la déclaration de guerre officielle.
Description :
Au
premier plan, apparaissent clairement des inscriptions de couleur orange sur
fond noir : « So hilft dein Geld dir kämpfen! In U-Boote verwandelt,
hält es Dir feindliche Granaten vom Leib! Darum: zeichne Kriegsanleihe! »
(en français : « Voilà comment ton argent aide au combat ! Transformé
en sous-marins, il te tient à distance des grenades ennemies. Par conséquent
souscris aux empreints nationaux! »). On aperçoit d’autres inscriptions
d’une taille minuscule, dans l’angle inferieur gauche « BERNHARD »
est la signature de l’artiste et les termes « Hollerbaum & Schmidt –
Berlin » apparaissent dans l’angle inférieur droit. On découvre au centre
du tableau un soldat, casqué, armé d’une baïonnette reconnaissable à sa lame au
bout qui en fait une arme redoutable pour le combat rapproché, le corps à
corps. Celui-ci est dos au spectateur et semble regarder vers l’horizon.
Entièrement de couleur noir, seul le contour blanc réalisé par l’artiste permet
au spectateur de le distinguer du reste de l’affiche qui semble plongé dans la
pénombre. A gauche de ce soldat allemand, le fantôme d’un marin fait son
apparition, reconnaissable à sa couleur grisâtre, comme effacé, et la richesse
de ses habits. Il arbore une sorte de képi. Son bras droit entoure le soldat. Quant
à l’index de sa main gauche, il indique au soldat une direction, il pointe vers
un navire en perdition qui apparaît au dernier plan. Ce dernier est constitué
d’un espace marin, du bateau qui semble le point d’intention et de la fumée qui
s’en échappe apportant une teinte noir dans ce ciel déjà sombre. On notera, à
l’horizon, la couleur orange qui émerge de la ligne d’horizon et qui n’est pas
sans rappeler la couleur des inscriptions du premier plan.
Interprétation :
Il
s’agit ici clairement d’une affiche de propagande visant à inciter la
population, l’«arrière», à financer ces emprunts nationaux. Il est important de
noter qu’à l’instar de l’empire austro-hongrois et de la Russie, et au
contraire des États-Unis, l’Allemagne finance en grande partie les dépenses de
guerre (environ 60%) grâce aux emprunts nationaux. En effet, l’Allemagne cumule
9 emprunts nationaux de 1914 à 1918 rapportant environ 98 milliards
de Marks.
En
multipliant les affiches de propagande, les gouvernements font pressions sur
les populations civiles en vue du succès de l’emprunt national. En effet,
celles-ci sont confrontées à la réalité de la guerre, et réalisent ainsi leur
situation privilégiée loin du front. Comment ne pas souscrire quand l’armée
lutte contre l’ennemi assurant la sécurité nationale ?
Sources:
Affiche
4
Description: Cette affiche américaine fut réalisée en
1917 par James Montgomery Flagg (1877-1960), célèbre peintre et illustrateur
américain. Il s’agit de l’affiche la plus connue qu’il ait produite. Il s’est
inspiré pour celle-ci de la très fameuse affiche britannique connue sous le nom
de « Lord Kitchener wants you » (1914) d’Alfred Leete, qui représente
le personnage d’Horatio Kitchener (1850-1916), Secrétaire d’État du Royaume-Uni
et qui fut publiée dans un magazine de Londres en septembre 1914. Son
originalité réside sur le fait que l’affiche montre le personnage allégorique
de l’Oncle Sam, pointant son index droit vers l’observateur. En dessous du
personnage, on lit : « I want you for U.S. army. Nearest recruiting
station » (en français : Je te veux dès maintenant dans l’armée
américaine). Elle a donc pour but de promouvoir le recrutement de soldats pour
l’armée américaine. Cette œuvre a connu un succès et est passé à la postérité.
Ainsi, 4 millions de copies furent imprimées durant la P.G.M., et l’affiche a
été également réutilisée lors de la Seconde Guerre Mondiale au profit des
États-Unis d’Amérique, dès janvier 1942.
Contexte
historique: D’abord
isolationnistes puis neutres, les États-Unis d’Amérique rentrent dans le conflit
après que le Congrès a voté, le 6 avril 1917, une déclaration officielle de
guerre contre l’Allemagne, rendant ainsi cette guerre, jusqu’alors européenne,
mondiale. La raison de son entrée en guerre était le combat de sous-marins
« à outrance » desquels l’Allemagne, en torpillant des navires
commerciaux au large de la côte atlantique du Mexique, s’était rendue coupable.
Les États-Unis deviennent ainsi alliés de la France, du Royaume-Uni, de la
Russie, et dès leur entrée en guerre, ils fournissent des renforts
considérables autant financiers qu’en nombre d’hommes, d’une telle façon que
ceux-ci seront à peu près au nombre de deux millions lors de l’Armistice du 11
novembre. En somme, sans l’aide américaine, l’Entente était économiquement
ruinée, et de plus, le soutien pour empêcher l’entrée des troupes allemandes
dans Paris aurait été impossible.
Interprétation: Cette affiche visant au recrutement de
soldats pour lutter sur le front des tranchées au côté des alliés, était
destinée aux hommes capables de remplir leur devoir « patriotique »
de citoyens envers et pour leur nation. Au passage, il faut souligner que comme
cette affiche a connu beaucoup de succès et fut copiée une quantité innombrable
de fois, elle a eu un impact sur la population américaine et a influencé
l’effectif d’hommes rentrant dans l’armée après sa publication. En effet,
notons qu’à la vue de cette affiche, l’observateur se sent visé par le regard
du dit personnage ainsi que par les phrases d’accroche qui sont présentes dans
l’œuvre. Le but recherché est donc de renforcer le sentiment d’accomplissement
du devoir et de l’obligation morale d’exécuter ce que le message de cette œuvre
véhicule. La figure de l’oncle Sam assure davantage la compréhension et
l’effectivité du message auprès de la population.
Sources:
http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=459
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